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This War of Mine, le test sur iPad

Vous me jugerez surement après avoir lu ce texte, et je m’en contre fout. Ce que je souhaite c’est vous raconter mon histoire et celle des trois pauvres âmes qui l’ont partagĂ©. Raconter ce qu’est la guerre, ce qu’elle fait aux hommes. Raconter comment nous aurions pu tous perdre notre humanitĂ©. Car seuls, dans un taudis, froid, sans âme, la vie fut difficile, difficile Ă  en crever! Certes, nous avions survĂ©cu aux premiers bombardements. Mais Ă  quel prix?

Le premier jour, nous Ă©tions trop dĂ©boussolĂ©s pour comprendre ce qui se passait. On espĂ©rait tous que cela ne serait que l’affaire de quelques jours, après tout les rebelles Ă©taient mal organisĂ©s et l’armĂ©e mettait la pression. On chercha donc de quoi survire pour quelques jours, juste au cas oĂą. Fort heureusement, mes compagnons d’infortune Ă©taient dĂ©brouillards. Chacun avait des qualitĂ©s. Bruno Ă©tait cuisinier avant la guerre et croyez-moi, il faisait d’un ragoĂ»t miteux un vrai dĂ©lice. Sara savait nous Ă©couter et Ă©gayer notre journĂ©e. Quant Ă  Ralov lui Ă©tait le roi du bricolage. Mais comment pouvions espĂ©rer survivre ainsi? Dans des dĂ©combres Ă  peine salubres pour les rats. Certes, Ralov eut la première bonne idĂ©e en bricolant un lit de fortune, et ce que nous pourrions appeler un poĂŞle Ă  bois. Cependant, le peu de choses prĂ©sentes dans l’immeuble ne nous aurait pas permis de tenir plus de quelques jours. Après tout, nous avons des besoins vitaux et le froid arrivĂ© Ă  grands pas. Pour ma part, j’Ă©tais un ancien des forces armĂ©s, je ne savais pas faire grand-chose de mes doigts, mais mes poings Ă©taient redoutables, un vrai boxeur disait mes parents, malheureusement je ne les entendrais plus jamais…

Alors oui, j’ai pu ĂŞtre violent par moment, aigri, je ne mâchais pas mes mots, mais merde! Tous doivent me remercier, car ce que j’ai fait, je l’ai fait pour le bien de l’Ă©quipe. Après tout, nous n’avions plus rien. C’est moi qui suis sorti nuit après nuit pour trouver de quoi manger, de quoi reconstruire et de quoi nous dĂ©fendre. Ils ne savaient pas comment c’Ă©tait de devoir courir de ruine en ruine, et je leur Ă©vitais cette tâche autant que possible. On donnait d’ailleurs un nom Ă  ces gens-lĂ , ces gens comme moi : « les collecteurs ». Des gars rapides, silencieux, et qui savent toujours comment dĂ©goter le meilleur de ces dĂ©combres. Mais, certains Ă©taient capable de tout, dans la misère de ce monde Ă  feu et Ă  sang, la rage primaire Ă©tait lĂ , attendant le moindre le regard suspicieux. Et dans ce cas-lĂ , il faut frapper le premier. Mais seuls les gens de la nuit connaissaient les risques. Et croyez-moi, bien souvent cachĂ© dans le coin sombre d’un immeuble, je rĂŞvais/espĂ©rais secrètement avoir un couteau pour me dĂ©fendre. Mais l’Ă©quipe n’Ă©tait pas comme ça. Elle, ce qu’elle voulait, c’Ă©tait de rester pacifique, ne pas voler autrui, et encore moins violenter les faibles. Une communautĂ© hippie en quelque sorte, mais en temps de guerre la rĂ©alitĂ© vous rattrape bien vite.

C’est après 10 jours que Ralov fut blessĂ© lors d’une visite peu courtoise durant la nuit. Heureusement, j’avais dĂ©gotĂ© un flingue lors d’une virĂ©e ce qui a permis Ă  Sara de foutre dehors ces rongeurs. J’aurais tellement aimĂ© qu’elle en plombe un ou deux… Enfin bref, Ralov Ă©tait mal en point, la nuit suivante je lui conseillai d’aller Ă  l’hĂ´pital, seul lieu Ă©pargnĂ© par cette guerre. Comme quoi les militaires avaient quand mĂŞme un peu de peine pour les populations civiles malgrĂ© les messages diffusĂ©s sur les ondes. Durant son voyage, ce bougre d’idiot de Ralov cru malin de tenter de voler quelques bandages supplĂ©mentaires dans l’armoire Ă  pharmacie de l’hĂ´pital. Il fĂ»t abattu comme un chien par les soldats. Le lendemain, ne le voyant pas revenir nous avions compris la triste vĂ©ritĂ© et l’apprenions officiellement quelques jours plus tard lorsque nous dĂ©cidions de rendre une nouvelle visite Ă  l’hĂ´pital. L’hospitalitĂ© environnement nous fit partir rapidement… La communautĂ© commençait Ă  s’Ă©parpiller, certains ne dormirent plus la nuit, d’autres refusaient de s’alimenter. Pour ma part, un autre mal me rongeait…

Au bout de 20 jours, je tombai assez gravement malade et ne put sortir une nuit, entre-temps Igor fĂ»t accueilli par notre « famille ». Et croyant bien faire, il tenta d’aller rendre visite Ă  la maison close pour effectuer un Ă©change. Très vite, il dĂ©couvrit que les gens lĂ -bas n’Ă©taient pas très amicaux et retenaient des personnes contre leur grĂ©. Il les aida Ă  s’Ă©vader, puis une fusillade Ă©clata, il fut mortellement blessĂ©. Il arriva le lendemain matin tenant Ă  peine sur ses jambes, mais tenant fièrement dans sa main une boite d’antibiotique qui me sauva surement d’une pneumonie, lui par contre, il mourra dans d’atroces souffrances quelques jours plus tard… Ce jour-lĂ , j’ai compris que je serais obligĂ© tĂ´t ou tard de ne pas respecter les règles Ă©mises par la communautĂ© et que si nous souhaitions suivre il allait falloir apprendre Ă  tuer… ça, ou ĂŞtre tuĂ©…

Les 15 jours qui ont suivi ont Ă©tĂ© horribles, un froid glacial, des stocks de nourritures se ratifiant, mĂŞme les rats ne se faisait plus prendre dans nos pièges. On avait brĂ»lĂ© tous les livres pour se rĂ©chauffer, ce qui rendait malheureuse Monique. Certes, on Ă©changeait quelques clopes avec le marchand itinĂ©rant du quartier. Un bon gars, il nous trouvait toujours ce qu’il fallait, mĂŞme s’il Ă©tait plutĂ´t dur en affaire. La loi de l’offre et de la demande, je te l’aurais bien fait bouffer « ton offre »! Mais cet homme Ă©tait trop prĂ©cieux, et surtout un intouchable, un peu comme s’il avait une aura divine autour de lui… enfin… on Ă©tait un peu Ă  bout de souffle Ă  ce moment-lĂ . On mangeait un jour sur deux, dormait la plupart du temps pour se remettre de nos nuits. Et la guerre ne se terminait pas, le dĂ©sespoir nous gagnait.

Cette dernière partie du message est Ă©crite d’une main tremblante

Alors, oui! J’ai pris une dĂ©cision, la dĂ©cision d’aller chez ces bourgeois de voisins, dans un premier temps pour comprendre. Comprendre comment ils pouvaient survivre depuis tout ce temps. Nous avions certes tout l’attirail nĂ©cessaire pour crĂ©er, modifier et amĂ©liorer notre logement (alambic, serre, rĂ©cupĂ©rateur d’eau de pluie…). Mais nous manquions tellement de matières premières. Alors qu’eux avaient l’air si bien, discutant du beau temps dans leur fauteuil. Les Ă©piant pendant de longues minutes, je regardais leurs faits et gestes, rĂ©prouvant leur moindre rire, exĂ©crant leurs manières, je les haĂŻssais. Les dĂ©testais de rĂ©ussir si bien Ă  s’en sortir alors que nous avions perdu des amis dans cette guerre. Eux semblaient s’amuser! Je suis entrĂ©, j’ai tentĂ© de dire quelques mots et l’homme m’a agressĂ© verbalement, je souhaitais juste qu’il nous aide, après tous nous aidions nos voisins nous aussi. Mais lĂ , sa façon de me regarder, de me parler, j’ai vu rouge, je l’ai frappĂ© de toutes mes forces, sa femme a voulu s’interposer, je l’ai frappĂ© aussi… après quelques minutes, je sortis de cette transe, je ne cherche pas d’excuse, mais c’Ă©tait trop. Ils Ă©taient lĂ  gisants au sol… sans vie… j’ai pris tout ce que j’ai pu dans le rĂ©frigĂ©rateur, dans leur armoire Ă  pharmacie et parti sans me retourner. Ă€ mon retour, vous Ă©tiez partagĂ© entre joie et tristesse. Je savais que vous me jugeriez mes actes, mais vous Ă©tiez bien heureux de pouvoir manger une conserve. Je sais ce que j’ai fait, je sais que c’Ă©tait mal, mais nous mourrions Ă  petit feu, avais-je le choix?

La guerre allait se terminer dans les jours qui viennent, mais l’ambiance ne fut plus jamais comme avant ce terrible soir, je m’en excuse encore. Je sais que je ne pourrais revoir Lorraine, elle est d’ailleurs surement morte Ă  l’heure qu’il est. Pour ma part, je ne souhaite pas continuer Ă  vivre avec ces fantĂ´mes et ces dĂ©mons qui m’ont poussĂ© Ă  perdre espoir. Cependant, pour vous tout n’est pas perdu, vous n’avez rien fait de mal, j’ai dĂ©cidĂ© seul de mes actes, sans vous concerter. Sachez mes amis, que je suis heureux d’avoir pu contribuer Ă  ce que vous sortiez vivant de cette guerre, certes vous n’en ĂŞtes pas indemne, mais vous avez de magnifiques vies Ă  vivre, tâchez d’en profiter et d’oublier ces horreurs. Tâchez de reconstruire un lendemain meilleur. Ne vous inquiĂ©tez pas pour moi, de toute façon, si j’Ă©tais restĂ© parmi vous, j’aurais Ă©tĂ© jugĂ© par un tribunal militaire et exĂ©cutĂ© pour ce que j’ai fait. Alors je prĂ©fère choisir une autre porte de sortie… Adieu

Un soldat inconnu

Voici ce que reprĂ©sente pour moi This War of Mine, Ă©tonnamment le titre qui se veut « survival » ne l’est pas tant que ça. Un ami meurt, il sera surement remplacĂ© par quelqu’un d’autres dans les jours qui viennent. Vous n’avez plus de nourriture, le marchand itinĂ©rant pourra contre un peu d’alcool vous en fournir. Il fait froid, pas d’inquiĂ©tude brĂ»lons quelques livres. RĂ©sultat, le fonctionnement est plus proche du jeu de gestion avec une dose de « craft ». Certes, This War of Mine est punitif – maladies, blessures, dĂ©prime, faim, froid seront vos lots quotidiens – mais il vous laissera souvent une deuxième chance, puis une troisième… Je doute mĂŞme qu’il soit possible de perdre (j’ai souvent « reroll » avant, est-ce cela le « gameover », la perte d’espoir?). Mais soyez sĂ»r qu’Ă  un moment vous serez tentĂ© par le cĂ´tĂ© obscur, volez les faibles pour survivre, dĂ©noncer notre voisin pour quelques avantages, en somme eux ou nous? Cependant, je ne vous cache pas que j’ai eu une sensation que le jeu aurait pu ĂŞtre mieux, plus complet (la gestion est simple Ă  ce jour), beaucoup d’Ă©lĂ©ments devraient ĂŞtre gĂ©rĂ©s un peu plus finement, mais bon c’Ă©tait dĂ©jĂ  assez dĂ©paysant.


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Mis Ă  disposition par l’Ă©diteur : Non
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Manoloben

Enfant des années 80, joueur jusqu'au bout des doigts. Si vous retrouvez du Julien Clerc dans ce texte? Bravo! Amateur de RPG (tout type) et clairement fan de Sega. Manoloben reste un touche à tout. GP32, NeoGeo Pocket, N-Gage et aujourdhui Evercade sont passées dans ses mains.

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This War of Mine

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